vendredi 29 décembre 2017

Meilleurs Vœux en couleur pour 2018

Bonne année à tous et à toutes.
Mes cartes artisanales, fabriquées à partir de la duplication de cette aquarelle réalisée spécialement pour cette fin d'année et l'an nouveau 2018, sont d'ores et déjà arrivées  chez leurs destinataires. 
Je souhaite à tous et à toutes santé, prospérité, amour, amitié et d'être heureux. "Be Happy" nous aurait dit Arnaud Desjardins qui l'avait lui-même appris un jour de son maître Swami Prajnanpad. Pour la suite du texte, c'est ici (voir Joyeux Noël sur mon blog d'art postal).

mercredi 27 décembre 2017

Petits cadeaux de Noël faits main - coussins reposants pour les yeux

🎄Pour Noël, afin d'ajouter une petite touche personnelle à mes présents, j'ai réalisé une série de coussins reposants pour les yeux. Ces coussins sont entièrement déhoussables, afin de pouvoir éventuellement laver la housse qui est en contact direct avec les paupières et une partie du visage. J'ai utilisé un tissu très fin et très doux, proche de la soie. A l'intérieur, des housses fermées en doublure de satin ou tissu très souple et fin (j'ai fait avec ce que j'avais à ma disposition) contenant des graines de lin brun et/ou doré et de la bruyère (le tout d'origine "bio"). J'ai réalisé des coussins "hommes" (largeur 9 cm environ et 27 cm de long) et des coussins "femmes" (largeur 9 cm environ et 24 cm de long). Je les ai distingués également en cousant une petite garniture différente selon le sexe (la dentelle blanche pour les femmes, le ruban bleu et motif dentelle pour les hommes). Chaque coussin contient environ 125 g de lin et bruyère pour les femmes, et 150 g pour les hommes. 
J'ai confectionné huit coussins au total. Ils ont été très appréciés 🌝

Les huit coussins

Version homme, version femme

ils sont entièrement déhoussables

lundi 13 novembre 2017

jeudi 5 octobre 2017

A mon aïeule Joséphine et à ma grand-mère Anne. Les maisons des rochers de Graufthal (67)

C'est grâce à mon amie Ambre et à ses questions que cet article voit le jour. Dimanche 1er octobre, j'ai eu la chance d'aller visiter en Alsace – commune d'Eschbourg, annexe de Graufthal, Bas-Rhin - la maison où est née et a vécu au début de sa vie ma grand-mère maternelle, ainsi que sa mère (mon arrière-grand-mère) et son jeune frère, mon grand-oncle.

Photo : les maisons des rochers de Graufhal et mon arrivée sur les lieux



Je n’avais jamais visité cette maison. C’est il y a plusieurs années, alors que je cherchais des informations sur Graufthal que j’ai découvert que le site avait été classé monument historique en 1988 et que les maisons se visitaient. Il y a des tas de sites qui parlent de ces maisons et y exposent des photos. Ces maisons ont été remeublées, sauf celle de mon aïeule qui sert de maison d'exposition d'objets anciens et parle de la fabrique d'allumettes de Graufthal. Sur la plaquette de la visite des maisons, il y a une erreur concernant la date de départ de la famille Wagner. Je la leur ai signalée et ils m'ont très gentiment répondu ce matin, l'information sera corrigée :-). On trouve d'autres erreurs ici et là sur certains sites, confusion de noms de famille, et lorsque j'ai vu ces erreurs, je les ai signalées également.

Je m'étais rendue à Graufthal vers l’âge de 12 ou 13 ans avec mes parents et ma grand-mère mais nous n'étions jamais montés jusqu’aux maisons puisque l’accès en était interdit. Ma grand-mère nous les avait montrées depuis une petite place de de mini village (deux rues en tout et pour tout) et nous avait dit que c’était là qu’elle avait vécu dans son enfance et son adolescence. Par contre, elle me parlait de son enfance depuis que je suis toute jeune, me racontant comment elle allait chercher de l’eau à une fontaine (pas d’eau courante, il n’y en a toujours pas), pas d’électricité (mais l’une des trois habitantes a fait installer par la suite l’électricité chez elle). Pour se chauffer, il y avait de petits poêles à bois puisque la forêt est toute proche. Ma grand-mère n’est jamais allée à l’école. Elle a appris à lire (et à parler le français) à l’âge de 16 ou 17 ans quand elle a rencontré mon grand-père à Nancy, lui-même Luxembourgeois. Ma grand-mère est née allemande puisqu’à l’époque Graufthal était allemande. Mais ils parlaient le patois alsacien.

Pour gagner de l’argent, les femmes et même les enfants tricotaient (de ce fait, ma grand-mère a toujours beaucoup tricoté et c’est elle qui m’a appris à tricoter quand j’avais une dizaine d’années). Il y avait aussi des chèvres dans une pièce qui servait d’étable. Mon arrière-grand-mère souffrait de violentes crises d’asthme. Ma grand-mère m’en a beaucoup parlé. Je suppose que les conditions de vie dans les rochers (on voit en visitant et sur les photos que la roche est apparente au sol, non dallée, et aussi revient dans les habitations au niveau des « plafonds ») peuvent expliquer cet asthme : froid, humidité et également peut-être une allergie aux poils d’animaux. Cela dit, je ne suis pas sûre du tout que mon aïeule possédait des chèvres. 

Il y avait aussi au-dessus des maisons une fabrique d’allumettes mais selon le site de l'association des maisons des rochers, rien ne prouve que c’est bien dans l'endroit au-dessus des maisons (c'est également une habitation semi-troglodyte) qu’on fabriquait les allumettes. Je ne me souviens pas si ma grand-mère m’a parlé de cela un jour… Peut-être pas fait attention. À cette époque je ne savais pas qu’un jour j’éprouverais autant d’intérêt pour les gens (peu nombreux) qui composaient ma famille.

Pour l’eau, il y a cinq fontaines dans les bois. Dans le village, au pied des rochers, il y a un genre de bac avec une mince arrivée d’eau. Je ne sais plus si ma grand-mère allait chercher l’eau à cet endroit ou dans la forêt. En tout cas, je me souviens qu’elle devait traverser la forêt (pour l’eau ? en tout cas pour aller à Eschbourg à quelques kilomètres où se trouvaient grand-parents, oncles et tantes). Et elle me disait qu’elle avait très peur en hiver car elle entendait hurler les loups.

Mon arrière-grand-mère était fille-mère. Elle vivait seule avec ses deux jeunes enfants. Pas de mari, vie difficile, il fallait bien se loger. Les plus pauvres vivaient là, dans ces anciennes grottes du moyen-âge. La maison qui porte l’inscription 1760 sur le linteau est celle de ma grand-mère (maison Wagner).


Extrait d'un article de Wikipédia : Histoire
Selon les archéologues Robert Forrer et Charles Spindler, qui ont fouillé les lieux en 1899, les premières grottes ont été aménagées dans les rochers de Graufthal au Moyen Âge. Elles étaient alors délimitées par de simples poteaux de bois plantés dans le sol, et dont les trous ont subsisté plusieurs siècles. Elles servaient de grenier, avant d'être transformées en logements de fortune au xviie siècle puis en maisons d'habitation au xviiie siècle. L'une des portes des actuelles maisons troglodytes est datée de 1760.
Les maisons ont accueilli trois familles au xxe siècle : la famille Weber, la famille Wagner et la famille Ottermann. La famille Wagner fut la première à quitter les lieux après le décès de Joséphine Wagner. Le premier étage de la famille Weber s'écroula en 1931 et sa propriétaire mourut peu de temps après. Les deux sœurs Ottermann, Madeleine et Catherine, restèrent. Madeleine mourut en 1947, à 89 ans, et Catherine, dite « Felsekaeth » en patois alsacien, fut la dernière habitante des maisons troglodytes jusqu'à sa mort en 1958. Elle racontait aux touristes que sa maison avait hébergé jusqu’à dix-huit occupants en même temps, la cuisine étant commune à deux habitations.

Photos : la maison Wagner, la maison Weber, la maison Ottermann
La maison Wagner (mon arrière-grand-mère et ses deux enfants). La maison est transformée en musée mais n'a pas été remeublée. De toute façon, il ne devait pas y avoir grand-chose en dehors de lits et d'une table et peut-être un poêle à bois.

Je découvre avec beaucoup d'émotion la maison dans laquelle ont vécu ma grand-mère et mon arrière-grand-mère Joséphine, ainsi qu'Albert mon grand-oncle.

on voit bien la roche apparente partout. Ce sont des maisons semitroglodytes

Le plancher de la chambre à l'étage a disparu. Le landau n'est pas de la famille. Simple objet d'exposition


Des objets sont entreposés pour  l'exposition et l'on y parle de la fabrique d'allumettes de Graufthal

photo trouvée sur un site de ces mêmes maisons des rochers de Graufthal : un poêle à bois et de vieux fers à repasser

La maison voisine : maison de la famille Weber


La porte d'entrée à double battant

Le fumoir

un poêle à bois - à droite un ancien puits

dans la pièce principale, une table et un lit


ainsi qu'une armoire avec des vêtements féminins d'époque

le plancher de la chambre des enfants (à l'étage, en mezzanine)





Christine Weber, la doyenne, allait travailler dans les villages environnants pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants (elle était veuve). Elle possédait quelques chèvres. Elle put faire installer l'électricité grâce aux petites oboles que lui laissaient des visiteurs en partant. 

Depuis l'étable (chèvres) qui sert aussi d'atelier, l'échelle de bois qui permet d'accéder à la chambre des enfants

L'étable

le sol rocheux qui sert de passage devant les maisons. A l'époque de ma grand-mère il n'y avait pas les barrières de sécurité.

Troisième et dernière maison : la maison de Madeleine et Catherine Ottermann : 

Chambre de Madeleine, dans la première pièce à gauche, la seule pièce de toutes ces habitations qui possède un plancher. Madeleine était la plus âgée des deux sœurs.

La cuisine, commune aux deux familles. Catherine raconte que ses parents et leurs 8 enfants vivaient dans une petite pièce ; quelques uns des enfants dormaient dans la soupente aménagée sous le toit, dans la falaise. La cuisine de 6 m2 était commune à la famille de ses parents et à celle de sa tante qui élevait 7 enfants dans la pièce à côté. [...] la roche faisait fonction de plancher, de mur arrière et en partie de plafond. Il n'y avait ni électricité, ni eau courante. Sur la table une lampe à pétrole et c'est avec beaucoup de peine qu'il fallait monter l'eau de la fontaine du village


Ici le sol n'est que la roche. Chambre de Catherine Ottermann


A l'extérieur, tout au bout de l'avancée, un totem a été réalisé - en forme d'allumette géante - en mémoire de Catherine Ottermann, dite "Felsekaeth" en patois alsacien. Le bas du totem a été sculpté également et l'on voit Catherine tricoter. Le totem est relié symboliquement à la maison des sœurs Ottermann par un fil de laine qui part du tricot. 




façade de la maison Ottermann reliée par un fil de laine rose


Quant à savoir si j’aurais aimé vivre là, je me suis posée la question dimanche en rentrant de la visite : la réponse est non. Outre le froid, l’humidité et la précarité (c’est très étriqué), je n’aurais pas aimé avoir ces rochers apparents au-dessus de ma tête en allant me coucher (les enfants dormaient en « mezzanine », accès par une échelle de bois et les parents – donc la mère en ce qui concerne mon aïeule - dormaient dans la pièce principale en rez de chaussée). Sinon le village est super joli et la forêt tout alentour est bien plaisante. Mais j'ai vu cela sous le soleil et il faisait doux, presque chaud. En hiver ou les jours de pluie ou de grisaille, ça doit être assez angoissant.

La forêt juste en face surplombant l'annexe Graufthal

Les rochers

Deux églises face à face : une église luthérienne et une église catholique. Photo réalisée sans trucage : que la lumière soit !!! (sur l'une et l'autre des églises)


Mon arrière-grand-mère Joséphine est morte le 7 janvier 1925. Elle n'avait même pas 39 ans. C'est alors que ma grand-mère et son frère ont quitté la maison. Ma grand-mère avait 16 ans, son frère 13. Ils sont allés vivre un peu à Saverne chez une tante puis ma grand-mère est venue chercher du travail à Nancy où elle a rencontré un jeune Luxembourgeois venu lui aussi chercher du travail à Nancy. C'est mon grand-père qui a appris à lire et à écrire à ma grand-mère, ce qu'elle faisait très bien et elle a beaucoup écrit et était une grande lectrice jusqu'à sa mort. Elle s'est même fait opérer des deux yeux à plus de 80 ans pour pouvoir continuer à lire.

Parallèlement à cela mes arrière-grands-parents paternels (du même berceau d'Alsace bossue, à environ 20 km de mes ascendants maternels) avaient fait le choix de nationalité française (ou plutôt leurs parents) entre 1872 et 1885 et étaient venus vivre à Nancy (exode), ne voulant pas devenir allemands. Ils ont donc tout laissé sur place et sont partis de rien du tout. lls ne parlaient pas non plus un seul mot de français en arrivant à Nancy.

Voici deux autres liens où l'on peut voir Graufthal autrefois (premier lien) et où l’on raconte la vie autrefois (deuxième lien)



Et avant de tourner la page, dernier regard vers les maisons des rochers de Graufthal


Après la visite, j'ai fait la randonnée "circuit des cinq fontaines" à travers la forêt d'Eschbourg-Graufthal. En contrebas de la forêt, visible depuis la route, se trouve la niche de la grande statue de la Vierge en bois polychrome. L’histoire se serait passée à la veille de Noël : « Un paysan d’Eschbourg voulant se rendre à la messe de minuit à l’église de Graufthal aurait été surpris par une tempête de neige. Son attelage pris dans la tourmente n’avait plus que le son des cloches, annonçant le début du culte, pour se diriger et se précipita du haut de la falaise. Le paysan survécut à sa chute. En remerciement, il fit ériger cette statue que l’on voit encore de nos jours. Quant aux chevaux, on ignore s’ils furent également épargnés… » 

C'est sans trucage aussi : pour trouver la Vierge, suivez la lumière bleue :-)

 Je vous rappelle que vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir. Bonne visite.

lundi 1 mai 2017

Muguet du premier mai - Lucky lily of the valley


Après le lilas, en ce joli mois de mai, vient bien évidemment le muguet, cette jolie petite fleur aux blanches clochettes que l'on peut trouver en forêt. Pas de balade en forêt pour moi et c'est bien dommage alors j'ai acheté un brin de muguet à deux jeunes garçons qui en vendaient à un coin de rue près d'une place très touristique (désertée aujourd'hui en raison du temps je suppose). Je leur ai demandé si c'était eux qui l'avaient cueilli, ils m'ont dit oui mais curieusement leurs expressions sur le visage disaient le contraire. J'ai demandé dans quelle forêt ou quels bois, ils m'ont répondu en Haute-Saône, alors là j'ai trouvé cela encore plus curieux (ce n'est quand même pas le département le plus proche du mien) et leurs visages disaient encore une fois qu'ils me racontaient des bobards. Donc le mystère reste entier et mon petit brin de muguet ne m'a pas révélé sa provenance. Néanmoins, docilement installé dans un petit pot en verre rempli d'eau, il s'est laissé reproduire par mon crayon de papier et j'ai posé mes couleurs à l'aquarelle, en n'oubliant pas la petite bête à bon dieu sur l'une des feuilles. Que ce petit brin de muguet bien modeste nous porte bonheur comme le veut la tradition.


Je venais de poster mon article et mon dessin quand une demi-heure plus tard je reçois une newsletter de santé sur le muguet. J’avais justement rappelé à une amie sur son blog que le muguet peut être toxique et qu’il ne faut pas en abuser. En effet, dans la newsletter reçue, le rédacteur de l’article précise qu’ « Il faudrait qu’il [l’enfant] mange le brin entier, avec les feuilles, pour avoir mal à l’estomac, vomir, et peut-être avoir le cœur qui se mettrait à battre un peu la chamade. Et le problème passerait de toute façon spontanément. 

Pour en mourir, il faudrait que vos enfants se mettent à brouter du muguet, ce qui est extrêmement improbable vue la texture filandreuse bien pire que celle des haricots verts et du céleri, sans parler de l’amertume du muguet riche en convallataxine (un alcaloïde) qui le rend difficilement mangeable. » Jean Marc Dupuis – Muguet : arrêter le délire. La Lettre Santé Nature Innovation est un service d'information gratuit de Santé Nature Innovation(SNI Editions).


Mais ce qui était amusant, c’est sa description du brin de muguet sur sa table :
« Pourrai-je un jour regarder à nouveau ce frêle brin du muguet, trempant dans un pot de yaourt « La Laitière » rempli d’eau… »car voici ci-dessous la photo de mon petit pot avec le brin de muguet dedans :

                     

Amusant, non ?

lundi 17 avril 2017

Pâques sans les oeufs ni le lapin ou les cloches

Je vous l'avais annoncé à la fin de l'article précédent, si mon pc m'en donnait la possibilité, je mettrais un petit article pour Pâques. En fait d'être petit, il ne l'est pas. Ce sont deux textes que j'avais écrits et publiés sur mon blog d'alors en avril 2010. Un remake en somme :-) Mais bon, les dates anniversaires sont toujours des remake.


Écrit du 2 avril 2010 (vendredi saint) – publié sur mon blog d’alors.

Il ne comprenait pas. Son père lui avait pourtant dit qu’il serait toujours là, avec lui, et qu’il pouvait compter sur lui. Il se demandait vraiment avec anxiété - ou était-ce du fait des violentes douleurs qu’il ressentait jusqu’au plus profond de sa chair et qu’il ne pouvait plus supporter –si celui-ci l’avait abandonné et il commençait à douter. Comment avait-il pu en arriver là ? Il n’avait pourtant toujours fait que transmettre des paroles d’espoir et de consolation, des paroles d’amour aux hommes et aux femmes qu’il avait croisés sur son chemin et il savait qu’il avait eu raison d’écouter cette voix qui le guidait, qui le dirigeait, qui lui dictait toutes ses pensées, toutes ces paroles. Alors ? Comment l’amour de l’amour avait-il pu engendrer tant de haine à son égard ? Comment l’amour de l’amour avait-il pu engendrer tant de peur ? Que craignaient-ils tous ? Qu’il ne veuille prendre la tête du pays et se proclamer roi ? Ce n’était pas du tout son intention, et même loin de là. D’ailleurs, il le leur avait rappelé sans cesse : « mon royaume n’est pas de ce monde. » Certains mêmes parmi ses plus proches compagnons lui reprochaient de n’avoir pas voulu prendre le pouvoir sur l’occupant. Alors, pourquoi tant de haine ? Pourquoi « ça » ? Pourtant, des jours heureux et même exceptionnels, il en avait connus. Que de souvenirs défilaient dans sa tête qu’il avait du mal à tenir encore bien droite.

Ah, se souvenait-il, se parlant à lui-même, tu te rappelles le regard lancé par cette femme, avant de s’éloigner, alors que tu venais juste de réussir à la tirer d’un bien mauvais pas. Ses congénères masculins voulaient la lapider parce qu’ils l’avaient surprise en flagrant délit d’être dans les bras d’un homme qui n’était pas son mari ! Quel toupet !

Et eux, eux ? Ils ne trompaient donc jamais leurs épouses, ne commettaient aucune tricherie avec qui que ce soit ?! Non mais, quelle mentalité ! Hypocrites !

Et l’aveugle, l’aveugle, qui n’en pouvait plus de joie de pouvoir enfin voir la lumière du soleil. Et cet autre – paralytique depuis tant d’années- à qui tu enjoignis de prendre son grabat et de repartir en marchant, le portant au lieu d’y être allongé ! La tête qu’ils faisaient tous ! Fallait les voir ! Verts de jalousie, rouges de rage. C’est quand même qu’ils ont voulu me faire un procès, me mettre en prison parce que j’avais guéri quelqu’un un jour de Sabbat et qu’ils disaient que ça offensait Dieu. « Leur » image de Dieu peut-être, celui qui dans leur raison et leur esprit a fini par remplacer l’originel, mais pas mon père. Est-ce que mon père a des priorités pour les jours de guérison, je te demande un peu. C’est vraiment n’importe quoi.

Ils ont pris à la lettre les préceptes transmis par nos ancêtres, qui venaient de mon père il est vrai, mais les ont tellement trahis, durcis comme de la pierre qu’ils ont fini par endurcir leurs cœurs et leur façon de penser, qu’ils en ont fait une prison et une arme pour tuer et mépriser au lieu d’un outil pour partager et mieux vivre en communauté. Quel gâchis !

Et mes amis, mes frères, ceux qui se disaient mes disciples. Ils faisaient quoi cette nuit dans le jardin des oliviers quand je leur ai demandé de prier, de rester avec moi tellement j’avais peur, de ne pas s’endormir. Ils se sont endormis ! Je ne leur en veux pas, je sais que la nature humaine a ses faiblesses et pour moi aussi c’est dur souvent, mais mon père me soutient, mon père me réveille, mon père me parle et me susurre des mots tout au creux de l’oreille et j’avoue que ça m’aide, que ça me tient en éveil. Et aussi il m’encourage. Il me dit que tout ira bien… Ouais, en ce moment, je me demande…

Et tu te rappelles quand tu rigolais tellement bien avec tes amis, chemin faisant, ou à une table d’auberge ou de taverne, avec des inconnus ou même des prostituées (on me l’a assez reproché !) levant nos verres à l’amitié, l’amour, la joie, n’oubliant jamais pour ma part de garder suffisamment de sérénité et les pieds sur la terre pour ne pas rater ce que j’avais à faire. Et le regard et la tendresse de Marie, celle qui venait de Magdala, qui te dévorait des yeux et aussi du cœur tellement elle t’était devenue reconnaissante, à la limite de la dévotion (je n’en demandais pas tant, CHERE Marie) après que tu l’as aidée à retrouver le chemin vers son cœur et vers sa raison d’être. C’est tellement vite fait de dévier quand tu as des problèmes et que tu ne sais pas les surmonter tout seul parce que dès ta naissance la vie a oublié de te faire des cadeaux dans certains domaines de l’existence. C’est pourtant vrai qu’on ne vient pas tous au monde égaux ! Y a qu’à regarder les éclopés, les malades (d’esprit ou de corps) de naissance, les mal-aimés, les mal-venus, les mal-acceptés… les rejetés et les rejetons. Pas un fleuve tranquille le chemin ici-bas. Mais bon, j’ai réussi à en toucher plus d’un, à faire passer le message, à montrer qu’on peut repartir d’un pied nouveau même lorsqu’on a déjà touché le fond. A condition de changer son regard. Et aussi de savoir prendre du temps pour soi, prendre du temps pour entrer en résonance avec son cœur, avec son souffle, avec son esprit. Comment je leur ai dit déjà ? Ah oui : vous devez prier en pneumati kai aletheia (je veux dire en souffle et en pleine conscience, en vérité), comme ça tu décontractes le corps, tu lâches les tensions et tu ouvres ton esprit à celui de mon père, de notre père veux-je dire. C’est pas pour rien que je vais régulièrement TOUS les jours sans exception me retirer dans un endroit tranquille pour faire de même. Prier, ce n’est pas penser à mon père, c’est être et ne faire qu’un avec lui. Ce n’est pas avoir de belles idées sur lui, ou lui demander des choses, c’est faire un avec lui. Quand tu es avec un ami, tu ne penses pas à lui, tu respires avec lui. C’est tout.

Et là, est-ce parce que j’ai de plus en plus de mal à respirer que je commence à douter ? Regarde-les là en bas, ou pour le peu qui est resté après le « spectacle » et après le défilé d’injures et de moqueries, ils n’attendent plus qu’une chose c’est qu’on arrête de respirer, les deux brigands et moi, pour pouvoir rentrer chez eux et commencer à faire la fête. C’est vrai que c’est la fête de Pessah qui se prépare. Et demain est un jour où l’on ne travaille pas dans cette contrée. Ils ont mal calculé leur coup, maintenant ils sont bien ennuyés.

C’est vrai que j’avais beau savoir ce qui allait arriver, c’était plus facile « avant » de leur dire en toute confiance « Sous peu vous ne me verrez plus, et puis encore un peu et vous me verrez, Je vais vers le père ». N’ont-ils donc pas compris que mon père est aussi leur père ? Maintenant que je souffre dans ma chair, je deviens pleinement humain et je doute et j’ai peur. Je croyais que père arrêterait leur main, je croyais que père interviendrait à la dernière seconde pour leur prouver que je suis bien celui qu’il leur a envoyé pour leur transmettre son message d’amour et de communion. Le pire, le pire de tout cela, c’est que c’est dans le nom de mon père que les pharisiens et les scribes ont réussi à convaincre le consul que je devais mourir.  Ils ont retourné la loi donnée par mon père contre son messager.

Même la lumière du jour s’est cachée en signe de désapprobation (merci papa). Cela fait au moins trois heures que nous sommes dans les ténèbres alors qu’il devrait faire encore jour, ou sont-ce mes yeux qui se voilent à cause de la douleur ?

J’ai soif, j’ai si soif….

« J’ai soif… » Zut, je m’étais pourtant juré de ne pas me plaindre, de ne pas laisser échapper un seul son pour ne pas les réjouir et leur donner raison de croire que je ne suis pas celui qu’ils ne veulent pas admettre que je suis. Mais c’est si dur, père…

« Eli, Eli, lama sabachthani ? »

« Ah, une éponge, avec un peu de liquide qui va me désaltérer.. Pouah, mais qu’est-ce ? C’est aigre…  La tête me tourne. Je…. »
 

Avant de laisser sa tête retomber sur sa poitrine, le condamné eut à peine le temps de s’écrier : « Tout est accompli » et il rendit son dernier souffle.

« Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla et les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent. […]

Le centenier et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre, et ce qui venait d’arriver, furent saisis d’une grande frayeur, et dire : Assurément, cet homme était fils de Dieu. » Matthieu 27, 51-54.
 

Suite – Écrit du 5 avril 2010 (Lundi de Pâques) – publié sur mon blog d’alors. 

[…] Ils ont déposé ma dépouille rapidement car la nuit tombait et la fête de Pessah était sur le point de commencer. Il y avait un tombeau neuf dans le jardin tout proche et c’est là qu’ils m’ont laissé, sans prendre le temps de procéder aux rituels habituels.

Je ne dévoilerai pas le mystère qui me fit passer de la mort à la vie, je ne parlerai pas de la lumière, de ce monde au-delà du monde et pourtant si proche, si présent, juste au-delà du voile…. au milieu de tous, proche et lointain, présent, passé et à venir tout à la fois… Mais maintenant, pour un temps encore, je suis là, dans le jardin, et je vois…

Je la vois, elle qui me cherche, elle qui m’aimait tant et qui aujourd’hui me pleure…

Elle qui m’aima tant qu’elle est venue la première ce matin, pour embaumer mon corps mortel à l’aide des baumes qu’ils avaient déposés près de moi.

La pierre était déjà roulée, et elle n’eut qu’à entrer, apercevant ma tunique au sol… 

Est-ce la peur, est-ce la surprise ? Elle s’en est retournée aussitôt, avertir Pierre, et Jean, celui que j’aimais tant.

Ils ont accouru tout aussitôt. Ils ont vu. Ils ont cru.

Ils ont vu ma tunique de lin posée sur le sol, et plus loin, le suaire qui avait couvert mon visage…

Et à leur suite, Marie, CHERE Marie, tu as vu la lumière des messagers du ciel invisible et entendu leurs voix. Ils t’ont dit de sécher tes larmes mais quand le cœur est en deuil, il est difficile d’entendre et de ne pas pleurer. Tu as besoin de consolation et je suis là, juste derrière toi.

Ma présence te fait se retourner, croyant apercevoir le jardinier….

Je suis le jardinier de ce jardin du monde. Je prends soin de mes fleurs, comme je prends soin de tous ceux qui me cherchent, et précisément tu me cherches, de toutes tes forces, de toutes tes larmes, de tout ton corps et ton cœur attristés :

« Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? »

« Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, j’irai le chercher. »

Ma voix se fait plus douce encore…

« Myriam… »

« Rabbouni »

Ca y est. Elle sait maintenant. Elle m’a reconnu et veut me serrer contre son cœur, me retenir.

Comment accepter de perdre deux fois celui qu’on aime et qu’on a retrouvé ? ô sentiments et attachements, nature humaine, comme vous nous causez bien du tourment et de la peine.

Non Marie, CHERE Marie, il ne faut pas. Tu ne dois pas. De chair je ne suis plus, et pas encore monté vers mon père…Je l’avais annoncé : vous m’aurez pour un temps avec vous, et puis ne m’aurez plus, et ensuite je reviendrai.

« Noli me tangere…Va vers mes frères et dis-leur  que je monte vers mon père ET votre père, vers mon Dieu ET votre Dieu. »
 

Noli me tangere ("Ne me touche pas") de Corrège est conservé au Prado – huile sur bois.

Voici le lien pour voir la peinture de Corrège. Concernant les représentations des scènes bibliques, je ne suis pas très en accord avec le choix des modèles qui ont posé pour la scène. Je préfère donc ne pas afficher l’image directement. C’est au choix de chacun.  

 

vendredi 6 janvier 2017

Epiphanie

Quand j’étais enfant, l’Epiphanie - disait-on - tombait le 6 janvier, soit aujourd’hui. A priori, l’Epiphanie n’étant pas un jour férié, la date de célébration a été déplacée au premier dimanche de janvier, sauf lorsque le 1er janvier tombe un dimanche, auquel cas l’Epiphanie est célébrée le deuxième dimanche, ce qui est le cas pour cette année 2017. En occident, pour les chrétiens, l’Epiphanie marque l’arrivée des Rois Mages auprès de l’enfant Jésus, ceux-ci ayant suivi une étoile très lumineuse dans le ciel qui devait leur indiquer le lieu où trouver le roi des Juifs qui venait de naître. Voici le récit qui est fait dans l’Evangile selon Matthieu, au chapitre 2.

1 Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem,
2 et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer.
3 Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s’informa auprès d’eux où devait naître le Christ.
5 Ils lui dirent : À Bethléhem en Judée ; car voici ce qui a été écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléhem, terre de Juda, Tu n’es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, Car de toi sortira un chef Qui paîtra Israël, mon peuple.
7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de temps l’étoile brillait.
8 Puis il les envoya à Bethléhem, en disant : Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant ; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi moi-même l’adorer.
9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu’à ce qu’étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta.
10 Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Aquarelle Marie K. décembre 2009

Je me contente de recopier ce superbe passage qui se termine sur une belle image de Mages* venus d’orient déposant des offrandes et se prosternant auprès d’un enfant destiné à devenir un grand roi puisque le passage qui suit est le récit d’un immonde infanticide ordonné par le roi Hérode le Grand. Hérode le Grand est né en 73 avant J-C et mort à Jéricho en l’an 4 avant J-C (donc Jésus n’est pas né en l’an 0 de notre calendrier). Il fut roi des Juifs sous le règne de l’empereur romain Auguste. Auguste meurt en 14 après J-C et lui succèderont Tibère (jusqu’en 37), Caligula (de 37 à 41), Claude (de 41 à 54) et Néron (de 54 à 68), puis d’autres…
Hérode le Grand est responsable de ce que l’Histoire a nommé « le massacre des Innocents », tous ces enfants de moins de 2 ans de la région de Bethléem massacrés sur l’ordre du roi qui craignait pour son titre et pour son trône. Ces innocentes victimes sont honorées le 28 décembre en occident et le 29 décembre en orient.

*Mage : Prêtre de la religion de Zarathoustra, chez les Mèdes et les Perses. Dans le monde gréco-romain, on leur attribuait la science de l'astrologie – définition Larousse en ligne

Pour en savoir plus sur l’Epiphanie et même trouver une bonne recette de galette et une couronne à faire soi-même (la fève n’est pas fournie J), voici un lien que j’ai trouvé sur Internet et qui m’a paru intéressant (parmi d’autres).